1-4 © Koen Broos
« La prochaine pièce que j’écrirai sera sûrement drôle, très drôle, du moins dans l’approche. » (Tchekhov à Olga Knipper, le 7 mars 1901)
La Cerisaie réunit tous les éléments tchékhoviens typiques : un mouvement continu de personnages, un rythme et une intensité qui varient en permanence, des dialogues qui semblent aléatoires et sans lien, interrompus de façon abrupte par des interventions ou des informations apparemment sans pertinence, des données ou des sentiments importants partagés quasi incidemment, l’élégance des détails, l’économie de mots. Tchekhov reste le maître de l’expression ramassée : la structure ouverte, un champ dramatique plutôt qu’une ligne dramatique, pas d’émotions exacerbées, pas de discours grandiloquents, pas de vérités majeures. Dans cette pièce, la vérité est modeste, simple, indirecte, enracinée dans les rythmes reconnaissables de nos vies. Rien n’est amplifié, les proportions sont familières, et tout est néanmoins transformé grâce à un imaginaire qui nous permet de pénétrer profondément dans l’étrangeté du quotidien. « Une vraie comédie hautement sérieuse », comme le disait l’écrivain états-unien Richard Gilman.
La méthode de Tchekhov est souvent comparée à celle d’un compositeur ou d’un peintre : une touche de pinceau de-ci, de-là, un rallongement de cette ligne, une tache soudaine, le remplissage graduel d’une surface, des pointillés, des petites taches sombres et claires, effacer, reconstruire. Le 11 mai 1889, il écrit dans une lettre à son frère Alexandre : « Réécrire de manière radicale ne doit pas effrayer, car plus le résultat est une mosaïque, mieux c’est. »
Et pourtant, combien de tentatives de sonder la pièce n’ont-elles pas été entreprises? La Cerisaie demeure une énigme et Tchekhov ne se laisse pas cataloguer. Depuis qu’elle est mise en scène, la pièce est balancée entre des polarités d’interprétation: naturalisme ou poésie, réalisme ou symbolisme, complainte sociale ou prophétie, comédie ou tragédie. Souvent dictée par une étroitesse d’esprit, la pièce s’est aussi vue affublée de tous les noms: réquisitoire politique, représentation poético-mélancolique d’une époque, méditation nostalgique, ode au progrès, satire socials. Les personnages tiennent sans cesse, en fonction de ce qui convient, d’autres discours idéologiques. Lopakhine, est-il un héros adepte du progrès, animé par le goût de l’entreprise ? Ou est-il un paysan grossier, un arriviste sans mérite, aveuglé par l’appât du gain ? Lioubov, est-elle une pimbêche gâtée et égoïste qui représente la gloire déchue de l’ancienne noblesse rurale et qui ferait mieux de disparaître au plus vite avec toute sa clique ? Ou est-elle une ode sensuelle et irrésistible à l’humanité fragile et à l’inutilité essentielle dans nos vies ? Incarne-telle le droit à cette inutilité, à la beauté, à tout ce qui n’a pas de valeur économique, à la culture ? Trifomov, est-il un esprit éclairé ou un pédant verbeux, tout aussi indolent que les autres ? Ou est-il possible que les jugements moraux ne soient pas d’application ? Tchekhov exprime-t-il ses opinions personnelles à travers ses personnages ? Ou leur donne-til simplement la parole ? Les points de vue que ses personnages partagent avec nous, sont-ils pour autant des « thèmes » de la pièce ? Ou s’agit-il juste d’opinions énoncées dans la pièce ?
Dans un texte que le poète russe Andreï Bely a écrit sur La Cerisaie en 1904, il n’identifie pas la méthode de Tchekhov à un outil technique, mais parle de ce que nous pourrions nous-mêmes appeler « son regard », qui se pose, avec une clairvoyance incomparable, sur les moindres détails, sur la fugacité extrême de notre expérience. C’est cette approche envers l’humble, le fortuit et le fragmentaire, le méprisé le véritable fondement de la révolution que Tchekhov a provoquée dans le théâtre qui libère l’anciennement inconnu, ce qu’on pourrait appeler la musique qui n’a pas encore été entendue.
Anton Tchekhov a marqué l’histoire du théâtre d’un sceau indélébile, et sa prose, sa correspondance, et ses pièces de théâtre appartiennent encore toujours aux plus belles oeuvres de la littérature mondiale. Sa compréhension des mouvements de l’âme humaine est inédite, sa vision de la condition humaine est inégalée. Il était un révolutionnaire moral, il nous a appris à voir les gens comme ils sont, petits et grands, faibles et forts, bons et méchants, corrompus et purs. Il reste le grand maître du drame du non-dramatique et fera toujours partie du groupe restreint d’auteurs essentiels dans notre quête d’être humain, susceptibles de nous aider, grâce à leur discernement, à conserver ou à retrouver notre santé mentale individuelle et collective.
Donc, à la question pourquoi créer La Cerisaie en 2023 ? Pour toutes ces raisons et pour tant d’autres encore.
1-2 © Koen Broos
En français
texte Anton Tchekhov
de et avec Evelien Bosmans, Evgenia Brendes, Robby Cleiren, Jolente De Keersmaeker, Lukas De Wolf, Bert Haelvoet, Minke Kruyver, Scarlet Tummers, Stijn Van Opstal et Frank Vercruyssen
lumières Thomas Walgrave
costumes An d’Huys
production et technique STAN
coproduction Kunstenfestivaldesarts, Festival d’Automne (Paris), Théâtre de la Colline (Paris), TnBA (Bordeaux), Le Bateau Feu (Dunkerque), Théâtre Garonne (Toulouse), Théâtre de Nîmes et STAN
première le 24 septembre 2015, Théâtre Garonne Toulouse
project co-produced by NXTSTP, with the support of the European Union’s Culture Programme
2025
avril
2023
mai
2019
janvier
sam 12.01.19 20:30
La Mouche
Saint-Genis-Laval
dim 13.01.19 15:30
La Mouche
Saint-Genis-Laval
mar 15.01.19 20:00
Le Manège
Maubeuge
sam 19.01.19 20:30
Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines
Saint-Quentin-en-Yvelines
dim 20.01.19 16:00
Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines
Saint-Quentin-en-Yvelines
avril
2018
avril
mer 11.04.18 19:30
National Arts Centre
Ottawa
jeu 12.04.18 19:30
National Arts Centre
Ottawa
ven 13.04.18 19:30
National Arts Centre
Ottawa
sam 14.04.18 19:30
National Arts Centre
Ottawa
2017
octobre
ven 06.10.17 20:30
la Comédie de Reims
Reims
sam 07.10.17 18:30
la Comédie de Reims
Reims
dim 08.10.17 15:30
la Comédie de Reims
Reims
avril
2015
septembre
jeu 17.09.15 20:00
ZKM - Zagreb Youth Theatre
Zagreb
ven 18.09.15 20:00
ZKM - Zagreb Youth Theatre
Zagreb
jeu 24.09.15 20:00
Théâtre Garonne
Toulouse
ven 25.09.15 20:30
Théâtre Garonne
Toulouse
sam 26.09.15 20:30
Théâtre Garonne
Toulouse
mer 30.09.15 20:00
Théâtre Garonne
Toulouse
octobre
jeu 01.10.15 20:00
Théâtre Garonne
Toulouse
ven 02.10.15 20:30
Théâtre Garonne
Toulouse
mer 14.10.15
Le Maillon
Strasbourg
jeu 15.10.15
Le Maillon
Strasbourg
ven 16.10.15
Le Maillon
Strasbourg
novembre
mar 03.11.15 20:00
Théâtre de Nimes
Nîmes
mer 04.11.15 19:00
Théâtre de Nimes
Nîmes
ven 06.11.15
Bois de l’Aune
Aix-en-Provence
sam 07.11.15
Bois de l’Aune
Aix-en-Provence
dim 08.11.15
Bois de l’Aune
Aix-en-Provence
mar 10.11.15
Le Parvis
Tarbes
jeu 12.11.15
Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine
Bordeaux
ven 13.11.15
Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine
Bordeaux
sam 14.11.15
Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine
Bordeaux
mar 17.11.15
Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine
Bordeaux
mer 18.11.15
Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine
Bordeaux
jeu 19.11.15
Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine
Bordeaux
ven 20.11.15
Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine
Bordeaux
sam 21.11.15
Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine
Bordeaux
lun 23.11.15
Le Lieu Unique
Nantes
mar 24.11.15
Le Lieu Unique
Nantes
jeu 26.11.15
Le Bateau Feu
Dunkerque
ven 27.11.15
Le Bateau Feu
Dunkerque
décembre
mer 02.12.15 20:30
La Colline
Paris
jeu 03.12.15 20:30
La Colline
Paris
ven 04.12.15 20:30
La Colline
Paris
sam 05.12.15 20:30
La Colline
Paris
dim 06.12.15 15:30
La Colline
Paris
mer 09.12.15 20:30
La Colline
Paris
jeu 10.12.15 20:30
La Colline
Paris
sam 12.12.15 20:30
La Colline
Paris
mar 15.12.15 19:30
La Colline
Paris
mer 16.12.15 20:30
La Colline
Paris
jeu 17.12.15 20:30
La Colline
Paris
ven 18.12.15 20:30
La Colline
Paris
sam 19.12.15 20:30
La Colline
Paris
dim 20.12.15 15:00
La Colline
Paris
